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[CRITIQUE] : The Lobster


Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Acteurs : Colin Farrell, Rachel Weisz, John C. Reilly, Ben Whishaw, Jessica Barden, Léa Seydoux, Ariane Labed,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : 4 000 000
Genre : Science-Fiction, Drame, Comédie.
Nationalité : Grec, Irlandais, Néerlandais, Français, Britannique.
Durée : 1h58min.

Synopsis :
Dans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Passé ce délai, elle sera transformée en l'animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s'enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants ; les Solitaires


Critique :


En 2009, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos secouait déjà énergiquement la section Un Certain Regard avec son dérangeant Canine, petite péloche WTF sous fond de tragi-comédie qui osait tout mais surtout n'importe tant le baromètre du ridicule était souvent au degré zéro.

Le voir de retour cette année sur la Croisette, et qui plus est au sein de la prestigieuse Compétition Officielle, avait de quoi intriguer les cinéphiles que nous sommes surtout que pour l'occasion, le bonhomme s'était entouré d'un casting aux petits oignons (Colin Farrell, Rachel Weisz, Ben Whishaw, John C. Reilly, Léa Seydoux et la sublime Ariane Labed) pour mettre en image un pitch plus barré tu meurs - et le mot est faible.


Car oui, The Lobster est un OFNI aussi savoureux qu'intelligent et merveilleusement allégorique sur les dérives de l’assujettissement et des diverses pressions sociales du monde contemporain, ou quand le burlesque le plus fou sert un propos à des années lumières d'être absurde.

Si le jury des frangins Coen a été bien malin de lui décerner le Prix du Jury, c'est surtout gentiment installé dans le Top 10 de l'année ciné 2015 que risque de finir le troisième long métrage de Lanthimos, sans conteste son meilleur.

The Lobster conte comment dans un futur dystopique,  les célibataires sont arrêtés et transférés à l’Hôtel. Là-bas, ils sont obligés de trouver leur âme sœur en 45 jours.
S’ils n’y parviennent pas, ils sont changés en animal de leur choix et lâchés dans les bois.
Un homme désespéré s’échappe de l’Hôtel vers les bois dans lequel les Solitaires vivent.
Et même si c’est contraire au règlement, là-bas, il tombe amoureux...


Complétement délirant et emballant sur le papier, le film de Lanthimos s'avère définitivement à la hauteur de ses promesses à l'écran, un conte d'une étrangeté réglée - et étonnement la péloche plus abordable de sa filmographie - qui ne croule jamais sous la richesse imposante de sa dystopie (tout du long cohérente) et offrant une brillante étude du sentiment amoureux; ici contrôlé, organisé et perdant tout sens de spontanéité et même de séduction.

Dans le futur grotesque de The Lobster, l'amour vit sous l'égide du totalitarisme, on trouve sa moitié par la force des points communs, on s'accorde plus qu'on séduit (chaque individu est alors catalogué par une pluie d'archétypes) mais surtout on s'unit par obligation, sous peine de se voir transformer en animal - de son choix, c'est déjà ça.
Difficile de ne pas voir la une critique acerbe et sarcastique de notre société actuelle ou l'amour nait souvent par le biais de sites internet (Meetic), ou l'on choisit l'être aimé à raison de critères plus ou moins légitime.

Dans cette simili-dictature froide et anxiogène surfant constamment entre rire et malaise certain, le spectateur  suit les aléas de David, campé par un Colin Farrell " Her-isé " (son rôle serait presque un calque de celui de Joaquin Phoenix dans le film de Spike Jonze, moustache comprise), un homme souffrant aussi bien de la peine de ne pas trouver sa moitié que par la peur de se voir transformer en homard pour le restant de ses jours.


Tout comme dans Her (mais également dans la délirante série Man Seeking Woman), Lathimos use de la chronique futuriste pour montrer les travers de notre présent et met en image l'angoisse du célibataire solitaire dans un monde ou ne pas être en couple défit la normalité, ou le couple est une nécessité vitale; angoisse renforcée ici par une propagande délirante de l'Hôtel, soulignant tous les biens faits de la vie à deux (par exemple, avoir un compagnon évite la possibilité de se faire violer...).

Si la première partie - brillante - oppose l'amour véritable et sentimental à celui modelé et accordé, aussi bien thématiquement que physiquement (les membres de l'Hôtel chassent les renégats de l'amour, les Solitaires ayant fait vœu de célibat), la seconde moitié elle, se pose sur la relation touchante et naissante entre David et le personnage de Rachel Weisz; romance éphémère dans un milieu hostile qui usera d'un jeu de rôles ou le faux sonnera définitivement comme le vrai - la scène de leur premier baiser dans la forêt est la plus belle du métrage.

Bourré d'idées et de trouvailles géniales, référencé (les clins d’œils bibliques à Adam et Eve et même à l'Arche de Noé), drôle, cruel (surtout dans son final) et incontestablement unique, The Lobster est une fable grinçante esthétiquement somptueuse portée par des comédiens en état de grâce.


Colin Farrell en tête, époustouflant dans la peau d'un loser magnifique, et qui semble renaître depuis quelques temps (notamment dans la saison 2 de True Detective, ou il campe également un raté attachant); tout comme la délicate Rachel Weisz, ici (très) convaincante.

Bref, une claque folle aussi hilarante et enthousiasmante que froide et franchement angoissante, un moment de cinéma magique et délicieusement barré comme on aimerait en voir plus souvent.


Jonathan Chevrier


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