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[CRITIQUE] : Interstellar


Réalisateur : Christopher Nolan
Acteurs : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain, Michael Caine, Casey Affleck, Matt Damon, Bill Irwin, John Lithgow, David Gyasi, Wes Bentley, Mackenzie Foy, Topher Grace, Timothee Chalamet, Ellen Burstyn,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : 250 000 000 $
Genre : Drame, Science-Fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h48min.

Synopsis :
Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire.


Critique :

[ATTENTION : Nous vous prévenons à l'avance, cette critique contient bon nombre de spoilers sur l'intrigue du film de Christopher Nolan, tant il est difficile pour tout critique de ne pas se laisser enivrer par la douce folie des révélations face à une péloche d'une aussi grande qualité.
Donc tous ceux qui ne veulent pas tout découvrir de ce film, devront attendre sa sortie et sa vision pour mieux apprécier notre avis ]

N'ayant pas peur des mots, Interstellar était tout simplement le film le plus attendus de l'année 2014 par tous les cinéphiles un minimum endurcis, mais surtout par tous les fans de l'inestimable Christopher Nolan, l'un des seuls auteurs aujourd'hui à rendre plus consistant et puissant qu'ils ne devraient l'être, les blockbusters friqués d'Hollywood la putain.

Dire même que l'on voyait en cette nouvelle péloche matière à une certaine forme d'apothéose, de film somme dans une filmographie jalonnée de chefs d’œuvres (même The Dark Knight Rises, quoiqu'en dise certains), n'est qu'à peine exagéré.

Grand magicien qui considère chaque film comme un tour de passe-passe pour mieux divertir, voir même duper, un spectateur totalement acquis à sa cause - Le Prestige et Inception le démontre si bien -, le Chris, accompagné de son complice de toujours, son frangin Jonah, s'attaque donc cette fois à son mont Everest, son odyssée spatiale qui, si réussite il y a, le ferait enfin rejoindre le panthéon des plus grands auxquels ils ne cessent de lancer des clins d’œils de plus en plus marqués, Stanley Kubrick et Steven Spielberg en tête.


Pas étonnant dans un sens, qu'il se soit approprié ce projet promis pendant longtemps au réalisateur de Minority Report, avant que celui-ci ne jette finalement l'éponge, tant il a tout en lui pour lui permettre de clamer haut et fort sa filiation d'avec son ainé.
Balancé pile poil un an après la claque monumentale incarnée par le Gravity d'Alfonso Cuaron, qui boxe plus ou moins sur le même ring, et flanqué d'un postulat de départ scientifiquement réaliste, autant dire que le réalisateur de la trilogie Dark Knight ne s'est pas rendu la tâche facile pour son neuvième long métrage - définitivement son plus ambitieux -, mais au vue de l'infinité qualité du résultat final, le jeu en valait bien la chandelle...

Interstellar donc, ou l'histoire d'une planète Terre à l'agonie, ravagée par la poussière et la surpopulation, dans un futur pas si lointain que cela de notre présent.
Face à la pénurie programmée des ressources naturelles, l'humanité qui n'a presque plus d'espoir d'avenir, change de fusil d'épaule, ne finance plus la technologie et l'armée et privilégie l'agriculture intensive pour reculer la date fatidique de son extinction et tenter de nourrir une population menacée.
Ancien astronaute devenu fermier, Cooper élève son fils Tom et sa fille Murphy avec l'aide de son beau-père, Donald, suite à la mort de son épouse.

Mais un jour, l'espoir revient.
Et si une expédition spatiale pouvait tout changer, et si l'humanité découvrait un nouveau monde, une autre planète pour se sauver ?
Du jour au lendemain, le monde met toutes ses billes dans cette ultime chance et Cooper se voit catapulté à la tête de cette fameuse expédition vers l'inconnu, dont la mission est de traverser un " trou de ver ",  une faille spatio-temporelle dans l'espace-temps afin de trouver une terre colonisable avant qu'il ne soit trop tard.

Avec l'aide de plusieurs jeunes chercheurs dont Amelia, la fille de l'éminent professeur Brand, le cerveau du projet, Cooper est bien décider à faire mieux que tous ceux qui ont explorés ces nouveaux mondes avant lui, mais qui n'en sont jamais revenu, puisqu'il a fait la promesse sa fille Murphy qu'il rentrerait bien un jour à la maison...


Blockbuster d'anticipation spectaculaire et fascinant, Interstellar est pourtant loin de s'imposer comme une critique acerbe du fiasco humain (même si l'on cache volontairement la fin de l'humanité tout en tentant l'exil de certains) et encore moins comme une œuvre lourdement écolo-responsable (protège mère nature avant qu'il ne soit trop tard et qu'elle se rebiffe), Nolan se servant judicieusement de l'état actuel du monde (aucun repère chronologique ne sera donné, ce qui poussera encore plus à l'empathie et à l'identification face à la détresse dans laquelle l'espèce humaine se trouve) et d'une vérité biologique concrète - l'homme doit pouvoir se nourrir pour ne pas périr -, pour mieux lever la tête au ciel et lorgner vers les étoiles.

Comme si l'inconnu, l'indéfinissable, dénué de toute divinité, pouvait incarner un avenir bienveillant pour l'humanité, même si l'idée de fuir une mort annoncée à des années lumières, incarne également la possibilité de se jeter à bras ouvert dans ses filets.

Profondément métaphysique parce que mué par un questionnement constant, presque obsessionnel (ne serait-ce que par la nécessité et la légitimité de l'expédition, inlassablement remis en cause), il devient évident qu'outre le désir d'offrir un divertissement absolument global et total à son public, l'ambition première de Nolan est de se mesurer - sans pour autant tomber dans la caricature du pompage bourré d'influences et sans saveur - aussi bien au cinéma de Stanley Kubrick que de celui de Steven Spielberg, tant il pioche de ça et là dans leurs monuments 2001, l'Odyssée de l'Espace (les robots ultra intelligents notamment, à l'opposé de H.A.L. pour le coup) et Rencontre du Troisième Type.

Et contre toute attente, c'est d'ailleurs clairement vers le cinéma du papa de E.T que le cinéaste penchera finalement, puisque pour la première fois, et alors que tout son cinéma ou presque, se basait sur l'impossibilité des liens humains et sur les amours contrariés (Cobb et sa femme dans Inception, Bruce/Batman et Rachel dans les Dark Knight), le cinéaste emprunte le sentimentalisme cher à son modèle - ainsi qu'une autre de ses thématiques majeures, la famille - et s'aventure étonnement dans l'émotion la plus sincère via la relation aussi bouleversante que fusionnelle entre un père et sa fille.


Véritable point d'encrage émotionnelle évocateur du métrage (la promesse intenable que Cooper a fait à sa fille de revenir nourrit toute la dynamique de l'histoire), cette volonté de bien plus filmer avec le coeur qu'avec la tête - même si le bonhomme peine encore à pleinement faire exister ses envolées vibrantes -, incarne indiscutablement la grande force d'Interstellar, clairement son film le plus touchant, puisqu'il met un point d'orgue à toujours placer l’être humain au centre de l’équation.

Ou une œuvre qui prend son temps, magnifié par la bande originale majestueuse du Grand Hans Zimmer (le score de l'année et l'un des tout meilleur du compositeur, c'est dire sa qualité) et qui s'avère à des années lumières de l'expérience sensoriel d'un Gravity auquel on a voulu trop vite l'associer, car mis à part leur pertinente et oppressante mise en image de l’insupportable solitude de l’être dans l'infiniment grand qu'est l'espace interstellaire, ils n'ont strictement rien en commun.
Force est d'admettre tout de même que le britannique ne filme pas aussi bien l'espace que Cuaron, mais au-delà...

Contrairement au chef d’œuvre du mexicain, il est un divertissement comme à l'ancienne, volontairement vintage et old school (il est encore l'un des seuls à tourner sur pellicule, et privilégie un maximum les décors réalistes), jusque dans les plus infimes détails de son esthétique méchamment soignée et renforcée par la sublime photographie de Hoyte Van Hoytema.

Ou un l’Étoffe des Héros - toutes proportion gardée - spectaculaire et humble, un conte métaphysique, philosophique et humaniste terriblement immersif qui n'a que pour seul véritable défaut que l'audace de son intrigue à tiroirs, aux rebondissements pliant - peut-être trop - l'espace-temps et à la première partie qui traine en longueur, la faute à un discours abscons et plombant (mais nécessaire compte tenu du propos scientifique).


Reste que, comme à son habitude, si les films du bonhomme ont une narration des plus discutables, en revanche, leurs directions d'acteurs sont constamment irréprochables.

Preuve en est la composition tout simplement dantesque d'un Matthew McConaughey qui crève littéralement l'écran, merveilleux à en chialer dans la peau souffrante d'un père tiraillé par la volonté de mener sa mission à bien et le désir de retrouver les siens.
Bref, un putain de grand héros typiquement américain comme on les aime, charismatique, sombre, brisé et plein de failles.

A ses côtés, difficile également de ne pas louangé la bouleversante performance de la jeune surdouée Mackenzie Foy, tout simplement incroyable dans la peau de la petite Murphy.

Derrière eux, Anne Hathaway impressionne dans un rôle aussi fort que complexe et ce, même si elle a tendance à un tantinet agacer dans les moments dramatiques (et à forte tendance lacrymale), tandis que Jessica Chastain, plus belle que jamais, fait le job tout autant que les excellents Casey Affleck, Wes Bentley (que l'on est franchement heureux de revoir au top) et Michael Caine, dont la prestance grandit à mesure qu'il prend de la bouteille.


Au final bien plus drame qu'épopée science-fictionnelle puisque l'émotion prend continuellement le pas sur le reste, sur ses trois heures certainement trop longue pour certains - et on les comprend un peu -, Nolan embrasse pléthore d'idées toutes plus intéressantes les unes que les autres (la réflexion sur la paternité, l'enfance, l'esprit de conquête, le fantasme de la colonisation de l’espace ou encore la surexploitation de la Terre), offre des scènes d'une beauté renversante comme lui seul sait les faire, et accouche ni plus ni moins d'un film grandiose, un trip exaltant, fascinant, sombre et authentique d'une poésie et d'un désespoir palpable à qui il manque pourtant une pointe de merveilleux pour atteindre les cimes du panthéon du culte.

Une déclaration d'amour à tout un pan du septième art par un amoureux du cinéma qui traverse les étoiles pour nous transpercer en plein coeur, tout simplement.
Mais il est gravé dans la roche de la discorde cinéphilique qu'Interstellar divisera, c'est inévitable tant sa vision est unique dans le paysage cinématographique actuel, et que sa vision procurera des sentiments différents chez tous.

Certains (dont moi) s'abandonneront dans sa grandeur et s'inclineront devant la maestria de son auteur, d'autres chipoteront clairement et crieront même au scandale sur pellicule.
Mais si il n'est pas l'immense chef d’œuvre attendu et espéré, il prouve une fois de plus si besoin était, que Christopher Nolan est bien l'un des cinéastes les plus importants et imposants de ces deux dernières décennies.

Et nul besoin de faire un petit tour aux confins de l'espace pour être conscient de cette vérité irréfutable...


Jonathan Chevrier


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