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[CRITIQUE] : The Salvation


Réalisateur : Kristian Levring
Acteurs : Mads Mikkelsen, Eva Green, Jeffrey Dean Morgan, Eric Cantona, Jonathan Pryce,...
Distributeur : Jour 2 Fête / Chrysalis Films
Budget : 10 500 00 $
Genre : Western.
Nationalité : Danois, Britannique, Sud-Africain.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
1870, Amérique. Lorsque John tue le meurtrier de sa famille, il déclenche la fureur du chef de gang, Delarue. Trahi par sa communauté, lâche et corrompue, le paisible pionnier doit alors traquer seul les hors-la-loi.


Critique :


Qu'on se le dise, l'affiche du (très) très attendu The Salvation avait tout en elle pour faire bander comme adolescent prépubère, tout cinéphile un minimum avertit et encore plus, tout cinéphile amoureux du cinéma bis.

En effet, l'inestimable Mads Mikkelsen balancé en tant que vedette en plein Far West, accompagné par la sublime Eva Green et devant faire face à un excellent - et sous-utilisé à Hollywood - Jeffrey Dean Morgan qui veut sa peau et à un Eric Cantona en guest star de luxe, le tout dans un western volontairement singulier et danois (certainement une première), mis en lumière lors de la dernière Croisette par un Thierry Frémeaux bien conscient que ce potentiel OFNI allait judicieusement pimenter encore un petit peu plus, sa jolie sélection officielle de l'époque.

Oui donc, le nouveau long de Kristian Levring - déjà présent sur la Croisette il a quatorze ans pour The King Is Alive - en imposait grave sur le papier, impression fortement appuyé par une bande annonce résolument fun et un pitch fleurant bon le revenge movie comme on les aime.


The Salvation ou l'histoire, à la fin du dix-neuvième siècle, de Jon et de son frère, deux pionniers et colons danois installés en Amérique pour faire fortune.
Tous se passe plus ou moins bien pour les deux bonhommes dans le désertique eldorado ricain, jusqu'à ce que la dureté de l'Ouest submerge leur vie et que la femme et le fils de Jon se fasse sauvagement assassiner par deux truands ayant méchamment forcés sur la bouteille.
Un drame d'autant plus terrible que ceux-ci venaient tout juste d'arriver en Amérique rejoindre leur mari/père, à qui il manquait pour pleinement être heureux.

Ivre de rage et arrivé trop tard pour empêcher le drame, l'ancien soldat danois se vengera sauvagement en tuant leur assassin d'une bonne série de balles dans le buffet.
Mais cet acte va avoir de dangereuse conséquence et entrainera une réaction en chaine des plus implacables, comme tout fruit de la loi du Talion.
En effet, suite à son meurtre, Jon va voir sa tête mise à prix et être confronté au gang du terrible Delarue, frangin d'un des deux morts.
Un ancien mercenaire qui fait régner la terreur dans la région, et qui lui aussi veut sa vengeance.

Dans une ville pourrie par la corruption et la violence, une guerre totale va éclater entre les deux hommes...


On ne peut voir que d'un œil hautement curieux que le Danemark s'essaye aujourd'hui, au genre ultra codifié du western, qui tombait peu à peu en décrépitude sur grand écran, notamment de l'autre côté de l'Atlantique (seul Django Unchained sauve réellement la donne).

Après tout, la France a bien souillé les salles hexagonales ses dernières années avec deux essais hautement foireux, Les " Eric & Ramzy " Daltons et Lucky " Jean Dujardin " Luke, donc difficile de se la jouer moqueur quand nos petits camarades du septième art européen nous emboite le pas.
Surtout qu'en plus de vouloir citer les œuvres cultes des précieux Sergio Leone et John Ford, Levring semble même lorgner du côté " réappropriation pop " des péloches de ce bon vieux Quentin Tarantino, le tout sous couvert de sa propre vision du genre.

Si ces intentions sont louables, en revanche il est plus compliqué d'admettre que son traitement de celles-ci sur pellicule le soit tout autant, tant The Salvation incarne un divertissement certes ironique, violent et efficace, mais manquant cruellement d'originalité, d'authenticité et d'émotion pour pleinement convaincre.

Malgré une introduction absolument grandiose et pleine d'intensité - l'attaque de la diligence de la sublime femme du héros et de son rejeton -, qui laissait présager une œuvre savoureusement crépusculaire, le metteur en scène aligne sans éclats tous les ingrédients du western sans ne jamais les chambouler (on retrouve donc les représentants de la loi tout aussi corrompus que les politiciens et les membres de l'église, la jolie sauvage indocile, le vilain a moustache vraiment bad, le héros torturé...), pour offrir ni plus ni moins qu'une énième histoire rebattue d'un pistolero désespéré et n'ayant plus rien à perdre, qui se lance dans une vendetta sous forme de bain de sang hautement jouissif et référencé mais tellement cousu de fil blanc qu'il en est prévisible de bout en bout.


Reste que même si le tout ne pue pas l'inédit comme espéré, Kristian Levring n'est pas un manchot, il réserve deux-trois bonnes idées à son spectateur (comme le fait qu'il verse volontairement dans la série B et le rire au dépend de l'émotion, dans son second tiers), appuyé par un rythme soutenu, une esthétique aux couleurs saturées et sur-stylisée, voir presque même surréaliste (on déplorera tout de même son choix d'une caméra numérique au profit d'un format plus classique) magnifiant ses décors poussiéreux et désertiques, rappelant la douce saveur des péloches bis italiennes produites pour deux sous dans les seventies.

Mieux, malgré une mise en scène manquant de profondeur et généralement sommaire, ne s'arrêtant pas assez sur les tourments de leurs destins mais surtout, ne les réduisant qu'au simple statut de stéréotypes ambulants, le casting titre fait admirablement le boulot et parvient un minimum à exister, Mads Mikkelsen et Eva Green en tête (et surtout, en fait).

Le premier, robuste et charismatique à souhait - illogique que l'on n'est pas pensé à le faire tâter du western auparavant - est tout simplement au top et parfait dans la peau de Jon, ancien et honnête soldat seul contre tous, et traqué par un gang de gueules patibulaires à l’envergure il est vrai, presque risible en comparaison avec lui (Cantona est vulgairement usé comme un figurant de luxe, là ou son nom est pourtant bien placé sur l'affiche promotionnelle du film...).

Quand à la seconde, lumineuse comme jamais, elle irradie la péloche dans un rôle totalement muet, et la peau corsetée, balafrée et pleine d’ambiguïté d'une beauté fatale veuve/objet sexuel du méchant principal, à la langue coupée (oui, tout ça à la fois).


The Salvation donc ou un exercice de style en sentiers balisés propre mais pas transcendant, jouissif et percutant mais banal et oubliable à la fois, malgré un duo Mads Mikkelsen/Eva Green dont les interprétations - comme toujours - vaut à elles seules le déplacement.

Rien d'inédit, pas la claque âpre, tendue et crépusculaire attendu mais une bonne petite série B hyper-stylisée et fun, un plaisir coupable éphémère qui se matte sans déplaisir.

Bref, n'empêche quand même que n'est pas Tarantino qui veut...


Jonathan Chevrier


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