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[CRITIQUE] : Mister Babadook


Réalisateur : Jennifer Kent
Acteurs : Essie Davis, Noah Wiseman, Daniel Henshall, Hayley McElhinney,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Epouvante-Horreur.
Nationalité : Australien.
Durée : 1h34min.

Synopsis :
Depuis la mort brutale de son mari, Amelia lutte pour ramener à la raison son fils de 6 ans, Samuel, devenu complètement incontrôlable et qu'elle n'arrive pas à aimer. Quand un livre de contes intitulé 'Mister Babadook' se retrouve mystérieusement dans leur maison, Samuel est convaincu que le 'Babadook' est la créature qui hante ses cauchemars. Ses visions prennent alors une tournure démesurée, il devient de plus en plus imprévisible et violent. Amelia commence peu à peu à sentir une présence malveillante autour d’elle et réalise que les avertissements de Samuel ne sont peut-être pas que des hallucinations...




Critique :

Force est d'admettre que la fiesta vosgienne du cinéma international qu'incarne Gerardmer, se paye depuis peu une certaine légitimité auprès des cinéphiles amateurs du cinéma de genre, après des années ou leur palmarès frisait gentiment avec le ridicule.

L'an dernier, Mamà d'Andres Muschietti, vainqueur unanime et belle expérience dans les salles obscures, remettait donc un brin, les choses en ordre.
Dit ordre qui perdura cette année avec le triomphe sans partage de Mister Babadook, première promesse flippante sur pellicule de la jeune cinéaste australienne Jennifer Kent, qui glana pas moins de quatre prix : Prix du Jury, Prix de la Critique, Prix du Public et Prix du Jury Jeunes.

Une jolie razzia pour une épopée quasiment identique sur le papier, à Mamà, soit la naissance d'un long-métrage né d'un court-métrage fantastique intriguant (The Monster ici), racontant les malheurs d'une mère perturbée et de son enfant apeuré face à une menace qu'ils ne peuvent comprendre et encore moins lutter contre.


Est-ce que ça radote pas mal du côté de Gerardmer ou ce schéma scénaristique est-il devenu le nouveau filon à succès de l'horreur actuel ?

Vu la réputation très flatteuse et la qualité évidente de la péloche, il est clair que ce se sera la seconde réponse qui s'imposera à l'esprit de tous les spectateurs qui le verront en salles.

Gare au Gorille qui disait Brassens, aujourd'hui Kent nous assure qu'il faut crier gare - avec un ton Scooby-Dooesque - au Baba... au Baba... au Babadook !

Mister Babadook aka The Babadook en v.o, ou l'histoire d'Amelia, jeune veuve depuis l'accident brutal de son mari dans un accident de voiture, alors qu'il la conduisait à la maternité.
Depuis, elle doit élever seul leur hyperactif de fils, Samuel.
Quand le comportement de celui-ci devient de plus en plus irrationnel, la faute à un mystérieux et invisible monstre échappé d'un conte, Mister Babadook, Amelia prend tout ceci comme un habile caprice de mioche.

Jusqu'au moment ou le dit Babadook commence à directement s'en prendre à elle...


A la différence de toute la production horrifique actuelle, Mister Babadook parait définitivement à part - dans le bon sens du terme -, que se soit dans son traitement hautement soigné ou dans sa volonté d'offrir - à l'instar du puissant Sinister - un nouveau boogeyman au cinéma de genre, privé de vraies figures horrifiques depuis plus d'une décennie (le dernier en date reste le génial Creeper de Jeepers Creepers).
Début des années 2000, date d'ailleurs à laquelle Hollywood s'est amusé à remaker/rebooter - gangbangiser pour dire vrai - ces plus fiers représentants (Freddy Krueger via Les Griffes de la Nuit, Jason Voorhees dans Vendredi 13, Michael Myers dans les deux Halloween de Rob Zombie, LeatherFace dans Massacre à la Tronçonneuse).

Ici, l'effrayant Babadook - version dépouillée et blafarde de Freddy -, avec ses longues griffes et son chapeau haut-de-forme, incarne un croque-mitaine réellement sombre et flippant, car il convoque directement le croque-mitaine ultime des histoires pour enfants : l'ogre avide de chair fraiche et juvénile, impressionnant l'inconscient et les songes de notre chère progéniture.

Méchamment référencé, sublime usage de la folie domestique chère à Roman Polanski (l'hommage à Rosemary's Baby n'est jamais loin), ou encore des thèmes de la peur et de la mort face aux yeux d'un enfant (à l'instar de Sixième Sens), dans une ambiguïté de ton rappelant les belles heures du cinéma de Bernard Rose (Paperhouse et son père Fouettard mais également le merveilleux Candyman), le film cite surtout deux classiques indiscutable de la frousse - sans ne jamais les égaler il est vrai -, Poltergeist (qui partage le combat d'un parent pour extirper son enfant des griffes d'une entité malveillante) et Shining (la même idée du parent torturé qui devient peu à peu une sombre menace pour son môme).

Mais plus qu'un simple film horrifique réellement efficace, Mister Babadook s'est avant tout et surtout une description douloureuse et sans fard d'une femme qui se décompose peu à peu et dont on voit, sur un pied d'égalité, aussi bien sa part de féminité que sa part maternelle.
Elever un enfant n'est jamais de tout repos, que ce soit face au caractère souvent insupportable de celui-ci ou les sacrifices qui incombe d'une telle responsabilité dans une existence.


Amelia est une femme isolée et qui suscite le rejet de ses proches, une âme littéralement dévastée par la disparition brutale de son mari et qui s'abandonne peu à peu psychologiquement, mais qui se doit d'entretenir une image de mère pour un fils qu'elle n'a, au fond, jamais vraiment su aimer (même si leurs rapports sont fusionnels et souvent affectifs), et face auquel elle abandonne très vite l'idée d'être la personnification même de la matriarche parfaite.

Cette pertinence dans la description on ne peut plus réaliste et intime de la femme contemporaine dans une cellule familiale brisée, Jennifer Kent s'en sert comme véritable moteur de son récit d'épouvante  - sans qu'aucun des deux tableaux ne viennent empiéter sur l'autre - en y instaurant avec intelligence, un élément maléfique aux apparitions habiles et millimétrées.

Tout comme chez le précieux James Wan, la cinéaste distille ses effets flippants - jumps scares, jeux d'ombres, portes qui grincent ou encore effets gore - avec un sens du timing indécent - jusqu'à un bouquet final misant lourdement sur la surenchère, comme chez Wan -, magnifié par un score joliment oppressant, une parfaite direction d'acteur et un casting totalement habité et voué à sa cause, que ce soit l'impressionnante Essie Davis ou l’agaçant et attachant à la fois Noah Wiseman.

Mélodrame horrifique puissant, viscéral et intense, impressionnant par sa maitrise et sa générosité, infiniment personnel, féministe (on ne voit pas d'homme ou presque) et universel dans les sentiments qu'il partage, Mister Babadook est une jolie et imposante surprise qui cultive l'effroi avec panache mais qui surtout, mérite amplement tous les louanges qu'il a reçu depuis sa projection à Sundance.


Même si il n'apporte rien au genre et que sa créativité reste somme toute assez basique, on ne peut que saluer cet excellent et frissonnant effet de style, qui incarne ni plus ni moins que ce que l'on a fait de mieux ces derniers temps, avec les réussis The Conjuring et Sinister.

Vivement le second effort de Jennifer Kent donc...


Jonathan Chevrier

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