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[CRITIQUE] : Under The Skin


Réalisateur : Jonathan Glazer
Acteurs : Scarlett Johansson, Jeremy McWilliams,...
Distributeur : MK2/Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Science-Fiction, Thriller.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h47min.

Synopsis :
Une extraterrestre arrive sur Terre pour séduire des hommes avant de les faire disparaître.



Critique :

Difficile de ne pas admettre qu'avant vision, on était franchement dubitatif quand au potentiel résultat de cet Under The Skin - copieusement hué à la dernière Mostra -, du pourtant talentueux réalisateur de Birth, le trop rare Jonathan Glazer.

Une extraterrestre qui kidnappe et se tape des hommes solitaires, ça sentait méchamment sur le papier, le plagiat indé d'une série B culte des 90's, La Mutante, ou la sculpturale Natasha Henstridge n'avait pas vraiment à mettre beaucoup du sien pour séduire aussi bien les mâles de la péloche que les spectateurs.

Scarlett Johansson et Natasha Henstridge, même combat ?

Pas réellement, car voir débarquer l'une des égéries du Marvelverse et de tonton Woody Allen, ne peut décemment être anodin et annoncé un improbable virage bis/Z du pauvre dans sa filmographie, un destin que doit pourtant certainement lui souhaiter ses nombreux détracteurs.
Objet d'obsession ultime du septième art contemporain, la belle est en train de vivre une année 2014 totalement dévouée à sa personne.


D'une partition vocale exceptionnelle dans la sublime romance digitale de Spike Jonze, Her, à son retour dans la peau et le costume moulant de Natasha Romanoff dans Captain America - Le Soldat de l'Hiver, et en attendant l'actionner décomplexé de Luc Besson, Lucy, prévue pour aout prochain (on omettra volontiers un César d'Honneur qui n'est, de notre gout, pas légitimé aux vues de sa carrière), la voilà cette semaine dans un rôle über casse-gueule dans un OFNI qui l'est tout autant.

Inspiré du roman Sous la Peau de Michael Faber, l'histoire suit donc une fille étrange qui, à bord de sa camionnette, sillone les routes d’Écosse en quête de promeneurs solitaires qu'elle séduit avant de les faire disparaitre dans une mystérieuse chambre noire.
Suivie à distance par un motard qui veille aussi bien sur elle qu'il efface tout indice compromettant de ses méfaits, elle commence peu à peu à s'interroger sur ses actes...

Le premier constat que l'on peut faire du métrage, outre le fait qu'il incarne une expérience de cinéma extraordinaire, contemplative et unique, c'est qu'il offre une vision totalement épurée de son matériau d'origine.

Si dans le roman original, il était expliqué en détail que l’extraterrestre chassait pour transformer ses proies en nourriture, ici, la nature extraterrestre de l’héroïne n'est jamais clairement explicitée ni même suggérée au spectateur, on ne saura jamais vraiment non plus les raisons de ses nombreux assassinats, tout juste devons-nous suivre son épopée et partager son point de vue, à ses côtés.


La voir évoluer, s'ouvrir à l'interprétation mais également dévoiler ses failles à mesure qu'elle est intrigué, fasciné même, par la nature humaine, qu'elle explore de la seule manière qu'elle connait, le sexe.
Une domination totale sur des hommes faibles qui, contrôlés par leurs pulsions sexuelles, préfère foncer tête baissé sur une mort certaine plutôt que de renoncer à un potentiel coït justement surnommé " petite mort "...

Que le film se consomme comme un documentaire sans phare et bouleversant sur une humanité aliénante qui se caractérise par sa solitude et sa libido, mais surtout comme un portrait effarant de la condition féminine et de son ambivalence dans la société contemporaine, face à l'homme qui ne voit en elle qu'une silhouette appétissante ou comme pur objet sexuel, n'est donc pas anodin.

Et qu'il prenne, pour la personnifier, ni plus ni moins que l'un des fantasmes les plus imposants de l'industrie cinématographique d'aujourd'hui, l'est visiblement encore moins, ce qui lui permet en prime, d'offrir une réflexion sur le potentiel pouvoir fantasmatique qu'elle exerce sur ses fans et la gent masculine dans la réalité.


Malin comme un singe, Glazer se joue constamment de la lenteur de son rythme et de la redondance de son récit - la belle séduit, tue et repars inlassablement sur les routes -, en offrant un mariage de styles tous supposément incompatible les uns des autres (les images naturelles de l’Écosse se mélangeant harmonieusement avec des instants " caméras cachés ", capturées avec de discrètes caméras GoPro), une rareté de dialogue, une défiance de l'espace et du temps, mais surtout en constituant tout du long, une expérience visuelle (une esthétique dépouillée pour créer une sensation de vide, qui se retrouve notamment dans l'introduction ou les stupéfiantes séquences de mort dans un décor létal, ou les victimes sombrent dans un liquide noir) et sonore ensorcelante, grâce à une musique d'exception signé Mica Levi, tout en cordes et en percussions.

Sublime SF singulière, expérimentale, minimaliste et sensorielle aux multiples niveaux de lecture, Under The Skin - qui semble tout droit sorti des 70's - ne serait pourtant rien sans la partition totalement habitée d'une Scarlett Johansson qui se met à nu comme jamais, et ce, dans tous les sens du terme.

Dans Her, elle cristallisait toute l'attention avec sa voix suave et follement séduisante, ici, c'est sa plastique pulpeuse qui lui sert d'arme d'expression massive.
Tout en intériorité, captant à merveille le caractère perdue et en totale découverte de son personnage dans un jeu quasiment organique, elle irradie la péloche et démontre avec charme toute l'étendue de son talent.


Authentique, glacial, inconfortable, enivrant et méchamment ambitieux, le nouveau ScarJo consternera et choquera certainement autant qu'il déroutera et séduira, mais une chose est sur, il ne laissera pas indifférent son audience dans un marché cinématographique à la généralité abusivement formaté.

Et c'est bien là tout le but de cette audacieuse plongée délectable, Kubrikienne et étrange dans un monde de sensations pures...


Jonathan Chevrier


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