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[CRITIQUE] : De Guerre Lasse


Réalisateur : Olivier Panchot
Acteurs : Jalil Lespert, Tchéky Karyo, Sabrina Ouazani, Mhamed Arezki, Hiam Abbass,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h34min.

Synopsis :
Alex, fils d’un caïd pied-noir marseillais, s’est engagé dans la Légion pour échapper à un règlement de compte avec la mafia Corse… 4 ans plus tard, Alex déserte et revient sur Marseille pour retrouver Katia, son amour de jeunesse. Mais en ville les rapports de force ont changé : son père s’est retiré des affaires, laissant les Corses et les gangs des Quartiers Nord se partager le contrôle de la ville.
La détermination d’Alex va bouleverser cet équilibre fragile au risque de mettre sa famille en danger...




Critique :

Force est d'admettre que depuis quelques mois, si la comédie hexagonal se porte étonnement bien, le polar made in France se paye lui aussi, une belle cure de jouvence.

Zulu, Mea Culpa et aujourd'hui De Guerre Lasse, les cinéastes français musclent leurs jeux pour mieux concurrencer les péloches venues du froid et d'outre-Atlantique, ou encore pour faire oublier un genre complétement enfermé par sa Marchalisation depuis près d'une décennie maintenant (de l'efficace 36, Quai des Orfèvres au très palot MR73, sans oublier le moyen Gangsters et la série Braquo, pour ne citer qu'eux), et c'est franchement loin de nous déplaire.

Réalisateur du méconnu Sans Moi, Olivier Panchot revient donc en ce mois de mai plutôt chargé avec un thriller sombre sur le milieu marseillais, qui n'a donc pas fini de nourrir aussi bien nos salles obscures que les pages des faits divers des journaux nationaux.


On y suit les aventures d'Alex, fils d’un caïd pied-noir marseillais qui revient dans la cité phocéenne quatre ans après l'avoir quittée pour s'engager dans la Légion pour échapper à un règlement de compte avec la mafia Corse.
Déserteur, il retrouve dans la ville de son enfance son amour de jeunesse, Katia, avec qui il veut partir et refaire sa vie tant qu'il le peut encore.
Mais le Marseille qu'il a quitté n'est plus le Marseille d'aujourd'hui, et les les rapports de force ont changés : son père s’est retiré des affaires, laissant les Corses et les gangs des Quartiers Nord se partager le contrôle de la ville.

Mais alors que chaque clan s'occupait tranquillement de son territoire, le retour d'Alex va tout remettre en cause, et pas forcément de la meilleure manière qui soit...

Démarrant sur une trame on ne peut plus classique - le thème de la vengeance entre un clan de pieds-noirs d'Algérie et un clan Corse -, De Guerre Lasse s'impose pourtant très vite comme une tragédie familiale sombre qu'en vrai film de genre à part entière, tout en se bornant judicieusement à toujours surprendre son spectateur via une richesse de ton insoupçonnée.



Vrai drame/polar social tendu, crédible et réaliste, à la violence rare mais volontairement crue et viscérale au sein de décors naturels lourdement glauques et inquiétants - la cité Phocéenne n'y est d'ailleurs pas montrée sous son plus beau jour -, et mettant un point d'honneur à faire de la famille un point d'encrage primordial et nécessaire, le film d'Olivier Panchot rend bien plus hommage au cinéma du génial James Gray (The Yards en tête) qu'aux péloches policières cultes hexagonales.

Se permettant d'étonnants détours, via des convocations bouillantes (le film ravive aussi bien le spectre de la guerre d'Algérie que le cruel anonymat et le traumatisme des combattants de la guerre en Afghanistan) et des élans émotionnels impensables - la sublime et déchirante histoire d'amour entre Alex et Katia -, Olivier Panchot orchestre avec maestria le retour d'un fils prodigue sous forme d'apocalypse, ou personne ne sortira réellement indemne.

Comme pour The Yards ou lorsque le personnage de Leo Handler - campé par le génial Mark Wahlberg -, revient chez lui et dans sa famille après sa sortie de prison, il ne fait aucun doute que le retour d'Alex chez lui va changer la donne et redistribuer les cartes d'un jeu fragile - la vie bouillonnante du crime organisée marseillais - aux protagonistes empathiques dont les destins sont joués et même perdus d'avances, et face auquel le spectateur ne pourra être que le témoin passif, mais pas pour le moins bouleversé, de leur inévitable chute.

Et surtout celle d'Alex, personnage principal brisé par le stress post-traumatique d'un combat sur les terres Afghanes dont tout homme sain ne peut revenir sans égratignure aussi bien physique que psychique, et qui n'aspire aujourd'hui qu'à une existence tranquille.


Durant tout le film, son traumatisme, ses blessures vont le hanter, captées à merveilles par une mise en scène inspirée - excellent travail sur le montage et le son -, et la composition monstrueuse d'un Jalil Lespert mutique et follement charismatique dans un Marseille (véritable personnage du métrage) gangrené jusqu'à la moelle par le crime organisé.

Tout en fureur retenue, passant d'âme pleine de fêlures à bête presque enragé en un quart de seconde, l'acteur-réalisateur démontre toutes les nombreuses nuances de sa palette de jeu, et permet surtout à un Tchéky Karyo d'enfin pouvoir rendre les coups face à un comédien à sa mesure, dans l'un de ses meilleurs rôles depuis (très) longtemps.
Cantonné à des rôles minimes comparé à l'immensité de son talent, le bonhomme impressionne de prestance dans la peau d'Armand, père d'Alex et " ancien " mafieux pieds-noirs qui a abandonné sa vie de criminel par amour.

Le reste du casting n'est d'ailleurs pas en reste, de la sublime et sensible Sabrina Ouazani (merveilleuse dans la peau du grand amour d'Alex, Katia) en passant par l'interprétation juste de Mhamed Arezki (impeccable en Rachid, le demi-frère d'Alex), tous les personnages gravitant autour du héros s'avèrent in fine tout aussi convainquant.

Intelligemment rythmé et construit même si quelques dénouements restent prévisibles, s'articulant autour des liens et des secrets familiaux tout aussi tortueux que les conflits mafieux, le tout dans un habile dosage d'émotion et de scènes d'actions prenantes et lisibles, De Guerre Lasse est une belle réussite, un divertissement efficace, dense et coup de poing qui prend littéralement aux tripes, pas dénué de quelques petits défauts certes - son climax un poil trop hatif -, mais méchamment raffraichissant dans un cinéma français qui ne lui proposera que trop peu de concurrence avec les années.


Chronique puissante, dure, âpre et poignante sur la noirceur de l'âme humaine, le film est de ses péloches remarquables que l'on attend pas et dont on reste complétement abasourdi par sa qualité et sa richesse.

Une claque d'autant plus surprenante que l'on aurait jamais pensé trouver en Olivier Panchot un metteur en scène aussi référencé et talentueux.

Voilà définitivement, un nouveau cinéaste qu'il faudra surveiller à l'avenir de (très) très près...


Jonathan Chevrier


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