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[CRITIQUE] : 12 Years a Slave


Réalisateur : Steve McQueen
Acteurs : Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Lupita Nyong'o, Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Brad Pitt,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : 20 000 000 $
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h13min.
Synopsis :
Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession.
Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave.
Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité.
Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie…





Critique :

Lorsque l'on a appris que Steve McQueen, réalisateur des puissants Hunger et Shame, ferait de son prochain long une adaptation des mémoires de Solomon Northup - homme libre qui se fera drogué et enlevé, avant d'être vendu à un négrier du Sud et forcé à l'esclavage pendant douze ans -, on se doutait aisément que ce film serait réaliser sans aucun compromis mais surtout, qu'il n'épargnerait rien à son spectateur.

Pas un hasard que son troisième métrage débarque dans les salles obscures françaises pile poil un an après le bouillant et jouissif Django Unchained de Quentin Tarantino, mais si le film du poto de Rob Rodriguez poussait - un chouïa - au débat et à la polémique, la noirceur et la dureté absolue de 12 Years a Slave ne peut souffrir d'aucune critique négative.

Non seulement il retranscrit avec force la réalité de l'esclavage, il s'inspire d'une histoire on ne peut plus humaine et vécue, mais surtout, n'en déplaise au militant énervé (mais attachant) Spike Lee, la péloche est cornaqué par un frère black, et non un cinéaste blanc.


Sujet infiniment douloureux et sensible de l'histoire américaine au point qu'il n'a que trop rarement été abordé de l'intérieur (mis à part la mini-série Racines, rien n'a paru aussi immersif), la péloche rejoint le mouvement révolutionnaire actuel du cinéma black ricain, à savoir rendre des témoignages vibrants sur la violence faite à leurs ancêtres ou à leurs contemporains.

Mais si d'une certaine manière, Le Majordome de Lee Daniels caressait son spectateur pour ne pas qu'il perde la mémoire sur les inégalités raciales qui subsiste - encore aujourd'hui - dans son pays, 12 Years a Slave lui, fait bien plus figure d'un uppercut destructeur et impitoyable, dont il sera bien difficile de s'en relever avant le compte de 10 et le clap de fin de la bande.

Chez McQueen, être esclave ce n'est pas seulement cultiver dans ces plantations de cotons du matin jusqu'au soir sous un soleil écrasant, ou encore recevoir deux, trois coups de fouets par-ci par-là, selon l'humeur du " maitre ".
Non, chez le britannique, la pellicule ne pue pas le cliché facile, et reconstitution rime complètement avec immersion, aussi éprouvante soit-elle, car si cela est insoutenable à voir, on ose à peine imaginer combien cela serait de le vivre chaque jour que Dieu fait.

Sous forme d’électro-choc, McQueen nous rapproche au plus près d'une vérité que beaucoup ont fait semblant de ne pas voir, et nous fait ressentir tout du long, une expérience viscérale et hautement traumatisante.


Difficile donc de ne pas pleinement s'identifier au calvaire inhumain vécu par Solomon, homme libre comme devrait l'être tout le monde, embarqué dans l'horreur de son époque, qu'il s'était pourtant efforcé de préserver de son quotidien.

Victime de sévices physiques insoutenables (des coups de fouets aux pendaisons avec ce qu'il faut d'adhérence, pour ne pas mourir trop vite), vivant en permanence dans la peur et dépossédé de toute son humanité - on lui ôte tout, sa liberté, son identité et même son histoire -, il est considéré comme ni plus ni moins qu'un animal, qu'un bien périssable et aisément remplaçable.

Cette déshumanisation d'un peuple totalement soumis à la pire exploitation de l'homme par l'homme - ou la passivité sidérante d'un peuple face à la cruauté sans nom d'un autre -, doublé d'une déconstruction totale du rêve américain, le metteur en scène la filme avec la puissance qu'on lui connait et qui à fait sa renommée, condamnant le tout en bloc via une mise en scène étouffante (la longueur des plans sont souvent insoutenables), toujours près des corps aussi bien repoussants que meurtris, et une habile utilisation de ses thèmes les plus chers : l'emprisonnement et le courage de lutter contre celui-ci - ce que fera toujours d'ailleurs Solomon.

Mais la plus grande force de 12 Years a Slave réside clairement dans le choix malin du cinéaste, de confier les rôles des négriers à des stars planétaires aux talents indiscutables (Brad Pitt s'offre le plus beau rôle tandis que Michael Fassbender est une nouvelle fois impérial dans la peau de l'horrible Epps), et ceux des esclaves au statut nettement moins bankable, permettant plus à l'identification et à l'attachement du spectateur.
Ainsi, avoir choisi la lumineuse Lupita Nyong'o mais surtout l'imposant Chiwetel Ejiofor dans la peau de Solomon Northup, permet à McQueen de traduire à merveille la détresse et le courage de ses semblables maltraités.


Bouleversant, bourrés de scènes de bravoures incroyables et n'ayant jamais peur de traiter frontalement la souffrance, 12 Years a Slave est un choc totale et violent sur pellicule, qui en l'espace d'un tout petit peu plus de deux heures, réussi la prouesse de résumé à elles-seules la condition humaine, qui même pétri de courage, se doit d'être résigné face à la toute puissance d'un système rarement juste.
Ou quand même lorsque l'on sort de l'enfer traumatisant de l'esclavage, on ne retrouve pas pour autant sa liberté d'homme.

Nouvelle ligne d'une filmographie à l'exception frisant lourdement avec l'indécence, d'une beauté et d'une noirceur absolue, ne cherchant aucune commémoration et encore moins de réconciliation, le film est d'une nécessité imposante, qui tire aux larmes sans chercher une seule seconde un sentimentalisme forcé.

Si Django Unchained a revisité le sujet de manière jouissive, 12 Years a Slave l'a fait avec douleur.
Et difficile de dire laquelle dès deux façons est la meilleure, tant les deux tutoies du bout de la caméra, la perfection.


Jonathan Chevrier


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