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[CRITIQUE] : Les Garçons et Guillaume, à Table !


Réalisateur : Guillaume Galienne
Acteurs : Guillaume Gallienne, André Marcon, Françoise Fabian, Nanou Garcia,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h25min.

Synopsis :
Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : "Les garçons et Guillaume, à table !" et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : "Je t’embrasse ma chérie" ; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.


Critique :

Voilà plus d'une décennie maintenant que le sympathique visage de Guillaume Gallienne parcourt les productions populaires hexagonales.

Si certains choix de ce Sociétaire de la Comédie-Française sont parfois discutables (Jet Set, Fanfan la Tulipe - quoique la présence de Pénelope Cruz est une belle motivation -, mais surtout l'horrible Astérix au Service de sa Majesté), force est d'admettre que le talent et la sympathie profonde qui se dégage de ses interprétations en font indiscutablement l'un des seconds couteaux les plus plaisant à suivre.

Difficile donc de ne pas être un minimum attiré par son premier passage derrière la caméra - qu'il scénarise qui plus est -, avec Les Garçons et Guillaume, à Table, habile transposition de son spectacle éponyme à succès, surtout que le dit film se paye un sacré buzz du bon gout depuis sa présentation au dernier Festival de Cannes.

Dans son one man show à la première personne, Gallienne se mettait à nu et racontait littéralement sa vie.
Rien de bien transcendant sur le papier, le bonhomme contant son enfance avec ses deux frères, enfance qui justement n'aurait pas eu d'intérêt aussi scénique/cinéphilique si elle ne narrait pas également une relation mère-fils on ne peut plus complexe.

En effet, celle-ci le traite différemment de ses deux frangins parce qu'il est un peu efféminé et qu'il n'aime pas le sport, ou en gros, Guillaume est pour sa môman la fille qu'elle n'a jamais eu, et pour elle, celui-ci est définitivement homo !
Une certitude maternelle tellement forte et imposée qu'elle viendra semer le doute sur la sexualité de Guillaume pendant la majorité de son existence...


Un sujet grave, limite anxiogène donc, qui avait de quoi laisser le spectateur un peu à la rue avant de rentrer en salles, tant il est très dur d'imaginer se bidonner devant une chronique autobiographie sous fond de récit initiatique et de trouble identitaire.
Et pourtant...

Jouant à fond la carte la dérision, Guillaume Galienne fait de son auto-portrait d'une sincérité incroyable, un film aussi vachard que mélancolique, ou tout simplement LA claque la plus importante de l'année du côté du septième art hexagonal.

Comédie personnelle écrite avec le cœur et les tripes, magnifié par une finesse d'écriture improbable et une justesse du rythme et de ton étonnante, Les Garçons et Guillaume, à Table pourrait laisser croire que le Gallienne en est, déjà, à son apogée derrière la caméra, si quelques facilités ne venait pas - un chouïa - ternir sa copie derrière la caméra (quelques gags clichés, la scène du massage scato - délirante mais hors de ton -, et un final trop expéditif).
Rien de très grave donc puisque dans l'état, force est d'admettre que les quatre-vingt-cinq minutes de la bande frise lourdement avec la perfection, tant elle déborde de décalage et de générosité, mais avant tout d'une maîtrise implacable.

Boulevardier, absurde et tendre, ce récit initiatique d'un coming-out à l'envers est surtout l'occasion offerte au cinéaste d'offrir la plus belle des déclarations d'amour possibles à sa mère, amour tellement fusionnel qu'il décidera d'ailleurs de l'incarner lui-même à l'écran.


En éternel enfant fasciné par une mère qu'il ne voudra jamais décevoir ou en matriarche bourgeoise et odieuse, aux allures très masculine, à la fois victime et bourreau d'une réalité obligée et tronquée, Gallienne explose et impressionne, prouvant l'infini profondeur de son jeu (jamais écrasé sous le poids du maquillage ou des costumes) tout en gardant la même apparence ou presque, alors qu'il campe son rôle à tous les âges de sa vie (au point que l'on oublie même très vite qu'il n'a pas toujours l'âge de son personnage).

Une performance remarquable qui fait de la péloche une invitation assez folle dans le monde intérieur fantasque d'un bonhomme sensible qui sait comment emporter le spectateur avec élégance et sincérité, sans ne jamais trahir une seule seconde sa confiance.

Car sans aucun temps mort ni même aucun pathos de supermarché, ce témoignage bouleversant et piquant de son existence atypique est cohérente de bout en bout, se permettent même d'incarner une pertinente réflexion sur un certain conformisme social, et un joli plaidoyer pour la différence.

Tendre, universel, nécessaire, citant joliment les cinémas de Woody Allen et même Pedro Almodovar (rien que ça !), Les Garçons et Guillaume, à Table est une formidable, unique et jouissive surprise de la part d'un acteur dont on aurait jamais pensé qu'il possédait une telle plume d'exception.


Si Guillaume Gallienne n'est jamais sorti du placard, le Grand cinéaste planqué derrière lui à bel et bien démonté le mobilier Ikea pour montrer à tous toute l'étendue de sa précieuse valeur dans une comédie hexagonale de plus en plus détestable et balisée.

Des débuts on ne peut plus prometteurs et immanquables donc, vivement la suite comme on dit...



Jonathan Chevrier


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