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[CRITIQUE] : Transperceneige


Réalisateur : Bong Joon-ho
Acteurs : Chris Evans, Song Kang-ho, Tilda Swinton, Ed Harris, Jamie Bell, John Hurt, Octavia Spencer, Alison Pill,...

Distributeur : Wild Side Films / Le Pacte
Budget : 39 200 000 $
Genre :  Science-Fiction, Drame.
Nationalité : Sud-Corréen.
Durée : 2h05min.

Synopsis :
2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais…


 Critique :

Qu'on se le dise, c'est bel et bien en Corée que les bons coups du cinéma asiatique sont les plus remarquables et fracassants depuis la dernière décennie.
Virtuoses parmi les virtuoses, Park Chan-wook, Lee Chan-dong, Kim Jee-woon et Bong Joon-ho, et leurs péloches d'exceptions, ont tellement su chambouler le septième art mondial - dans le bon sens du terme -, que chacune de leurs sorties respectives, sont suivis avec un intérêt particulier de la part des cinéphiles un minimum avertis.

Attendus comme l'un des événements majeurs de cette fin d'année 2013 (voir même de l'année tout court), Transperceneige du prodige Bong, aura su salement nous aguicher ces derniers mois, via une campagne promotionnelle aussi sobre que juste (deux ou trois trailers sur près d'un an, et quelques affiches, c'est light pour un blockbuster).

Officiellement production la plus couteuse du cinéma coréen (sans la campagne promo), mais surtout bébé murement couvé pendant huit années par le cinéaste (qui entre-temps, nous avait offert deux immenses claques : The Host et Mother), la péloche avait tout du projet hautement casse-gueule sur le papier, et pourtant...
En faisant totalement sien l'univers ultra-riche du roman graphique de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette, le metteur en scène aux multiples casquettes, accouche ici ni plus ni moins que du plus beau morceau de SF de l'année avec Gravity - et dans une moindre mesure, Pacific Rim et Elysium -, mais surtout de l'une des œuvres d'anticipation les plus marquantes vu en salles depuis très, très longtemps.


Pourvu du même high concept sur la lutte des classes, que le manichéen Elysium, Transperceneige prend ses bases d'un pitch original couillu et en béton armé.

Dix-sept piges après une catastrophe écologique, une poignée d'individus aux origines diverses, se retrouvent parqués dans une arche sur rails, qui effectue inlassablement le même parcours du tour du monde chaque année.
Pyramide sociale à grande échelle, les wagons de têtes sont réservés à l'élite tandis que ceux en bout de queue, sont laissés aux plus défavorisés, tous entassés et élevés en batterie.
Sauf qu'un jour, les opprimés, fatigués de leurs conditions déplorables (ils vivent les uns sur les autres, dans un wagon sans fenêtre, et ne se nourrissant que de geler protéinique), vont décidés de rendre une petite visite à leurs chers compagnons de voyage d'en haut...

Intelligemment, Bong règle son pas sur ceux de l'alliance rebelle fortement empathique, qui avance de wagons en wagons, motivée par un seul et unique but : atteindre l'avant luxueux du train, et faire comprendre au créateur du Transperceneige, le tyrannique et dictateur Willard, ce qu'est réellement la vie et le traitement d'autrui...
D'une étonnante fluidité et simplicité narrative, allant toujours à l'essentiel sans ne jamais plomber son script - d'une excellence rare -, de flashbacks, d'ellipses ou d'autres artifices du genre, le Snowpiercer de Bong Joon-ho, comme tous les autres films de sa formidable filmographie d'ailleurs, joue sur niveaux de lectures, tous admirablement traités.

Via un naturalisme extrêmement cinématographique, le bonhomme évoque tout autant les rapports conflictuelle entre la Corée du Sud et son voisin du Nord (l'endoctrinement des plus jeunes notamment), via un discours politique riche et difficilement appréciable, sur la prédétermination sociale - sonnant également comme une charge anti-totalitariste à la portée universelle -, que la folie humaine dans une complète remise en question du concept même de la civilisation, ou plus l'homme se déshumanise à mesure qu'il se civilise.


Construit dans une logique de progression quasi-vidéoludique (wagon par wagon, un peu comme la séparation par niveau des jeux-vidéos), magnifié par une mise en scène minutieuse et maline (les décors sont soignés et la caméra de Bong, toujours en mouvement, donne de l'ampleur à des espaces pourtant restreints), le quatrième métrage du réalisateur est d'une réussite implacable, un huit-clos post-apocalyptique éblouissant et follement immersif.

Moderne, brutal, drôle (les touches d'humour, souvent noir, sont comme pour The Host, un joli plus salvateur) et porté par un casting merveilleux (Chris Evans est imposant comme jamais, Ed Harris est toujours aussi impérial, Tilda Swinton est d'une noirceur étonnante et que dire que la prestation sans faille du génial Song Kang-ho, juste ébouriffant), Snowpiercer est tout simplement un grand film épique doublé d'une grande leçon de cinéma.

Divertissant, ambitieux, populaire et pour le coup (très) personnel, le film joue sur les apparences pour émerveiller comme un gamin tous ses spectateurs, et s'impose de facto comme l'une des bandes les plus indispensables de l'année.

On s'attendait à une claque SF, on se retrouve finalement ici avec ni plus ni moins qu'un chef d’œuvre profondément humain, un véritable uppercut à nous en décoller toute la mâchoire.
C'est ça lorsque l'on fait confiance et que l'on accepte l'invitation d'un cinéaste pétri de talent, dont l'amour du septième art n'a d'égale que sa volonté du travail bien fait.

On va salement prier pour que le bonhomme nous revienne au plus vite dans nos salles obscures...


Jonathan Chevrier


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