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[CRITIQUE] : The East


Réalisateur : Zal Batmanglij
Acteurs : Brit Marling, Alexander Skarsgard, Ellen Page, Shiloh Fernandez, Aldis Hodge, Toby Kebbell, Patricia Clarkson, Julia Ormond,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : 6 500 000 $
Genre :  Thriller.
Nationalité : Américain et Britannique.
Durée : 1h57min.

Synopsis :
Ancien agent du FBI, Sarah Moss travaille désormais pour une agence de renseignement privée qui protège les intérêts de puissants hommes d’affaires. Elle reçoit pour mission d’infiltrer The East, un mystérieux groupuscule éco-terroriste qui s’attaque aux multinationales coupables de dissimuler leurs agissements criminels. Déterminée, ultra entraînée, Sarah parvient à s’intégrer au groupe malgré leur méfiance, et doit même participer à leur prochaine action. Mais plus elle vit avec les membres passionnés de The East, en particulier Benji, l’anarchiste, plus elle se sent écartelée entre les deux mondes et s’interroge sur elle-même…


Critique :

Depuis deux ans et l’intéressant mais un poil ennuyeux Another Earth - dans lequel elle cumulait la triple casquette de comédienne, scénariste et productrice - la jolie Brit Marling est l'un des visages les plus charismatiques et talentueux du cinéma indé US, mais l'un des plus engagés surtout.

Après l'écologie dans Another Earth donc, et les dérives sectaires dans le très bon Sound of My Voice, co-écrit avec le metteur en scène Zal Batmanglij, la belle retrouve donc celui-ci pour The East, prenant pour thème - aussi casse-gueule et sensible qu'alléchant sur le papier - l'éco-terrorisme.

Poursuivant d'une manière encore plus ambitieuse leur recherche démarrée sur Sound, le duo se sert de nouveau d'un contexte fort pour analysé un groupuscule lié au sein d'une croyance commune et jugé extrémiste par la société bien pensante actuelle.
Prenant pour point de vue objectif celui d'un agent infiltré - qui à mesure de son initiation et de son intronisation au groupe, va douter de ces certitudes - tout en veillant à ne pas épouser les clichés Hollywoodiens du genre - soit le FBI c'est les gentils et les terroristes les méchants pas gentil pas beau - The East frappe méthodiquement son spectateur là ou ça fait vraiment mal, en incarnant un électrochoc aussi brutal que nécessaire, sous la forme d'un message pourtant loin d'être nouveau.


Plus que de pousser aux armes et à l'anarchie - quoique cela reste du œil pour œil, dent pour dent, avec des terroristes qui punissent des terroristes -, ce cauchemar affreusement sincère éveille la conscience de chacun d'entre-nous en mettant habilement la lumière sur une vérité que trop peu aujourd'hui, accepte de voir : énormément de corporations et de médias se foutent littéralement de notre gueule et nous prenne pour des cons.

Infiniment pervers, anxiogène et malsain - parce qu'il nous renvoie inlassablement à notre propre hypocrisie - profondément humain (comment ne pas s'identifier un minimum en chacun des terroristes ?) et troublant (devons-nous, nous aussi, passer à l'acte une fois la dérangeante réalité admise et digérée ?), le film, autant thriller politique et vigilent flic que drame psychologique, est d'une réussite et d'une maitrise totale.

Occultant aucun point de vue - que ce soit celui de la société sur ce groupe, à celui du groupe même face au monde - via des personnages incroyablement bien fouillés, dont on comprend, pour tous, l'appartenance à ce mouvement extrême, la péloche détonne à chaque instant, mais prend véritablement son envol au moment du premier " vrai " passage à l'acte (pendant plus d'une heure, tout comme pour Sound, on ne se focalise que sur le rite d’initiation de l’héroïne).

Si le projet, de loin le plus ambitieux jamais traité par le duo, n’atteint pas le statut de brûlot incontestable, la faute à quelques choix de direction un peu douteux (que ce soit de par son final incohérent et tiré par les cheveux, ou du traitement maladroit de la romance entre l'agent infiltré et le leader du groupe, franchement évitable), la bande n'en reste pas moins une pure fiction haletante et urgente, joli traitement expérimental et dénonciateur passionnant d'un des cauchemars les plus terrifiants de ce vingt et unième siècle, porté par un trio d'acteurs (Ellen Page, Shiloh Fernandez mais surtout Brit Marling et Alexander Skarsgard) aussi sincère que séduisant.


Plus que de poser la question, certes perverse, du " Devons-nous passer aux armes pour rendre le monde meilleur ? ", The East prend le plaisir malsain à en soulever une autre, encore plus évocatrice et lourde de conséquence " Maintenant que nous avons conscience de toute cette saloperie, allons-nous continuer à mener une vie normale et faire comme tout objet de fiction, l'oublier après vision ? ".

L'impact d'un métrage sur la conscience du spectateur, ou tout le renouveau foutrement bandant du cinéma indépendant ricain, mouvement amorcé avec brio par les Sound of My Voice et Martha, Marcy, May Marlene l'an dernier, que Brit Marling et Zal Batmanglij auront brillamment fait perdurer avec leur nouveau très, très bon métrage.

Bon, what's next people ?
Difficile de ne pas être impatient de voir la suite de leur carrière commune, partie comme celle-ci est partie...


Jonathan Chevrier



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