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[CRITIQUE] : Stoker



Réalisateur : Park Chan-wook
Acteurs : Mia Wasikowska , Matthew Goode, Nicole Kidman, David Alford, Matthew Modine,...
Distributeur : 20th Century Fox France
Budget : -
Genre : Drame, Épouvante, Thriller.
Nationalité : Américain et Britannique.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…




Critique :

C'est l'un des plus grands maux du siècle pour l'industrie du cinéma mondial : la fuite des talents vers Hollywood.
Chaque décennies, des dizaines et des dizaines de cinéastes talentueux se font goulument happés par le système Hollywoodien, et sans forcer la statistique, plus de 90% d'entre eux se font littéralement broyés par sa machine impitoyable.

Si le phénomène peut s'observer sous toutes les coutures, c'est véritablement lorsque l'on se focalise sur les metteurs en scènes asiatiques exportés outre-Atlantique, qu'il prend toute sa désespérante ampleur.
De John Woo (le cas le plus chaotique qui servira toujours d'exemple) à Tsui Hark, en passant par Hideo Nakata et les frères Pang, on ne compte plus les génies made in Asia séduits à tort par les paillettes et les tapis rouges des grosses majors américaines.

Cependant depuis quelque temps, la situation semble légèrement changée, preuve si il en est avec les débarquements réussis - mais encore loin d'être confirmés par des seconds métrages - de Ryühei Kitamura (le très efficace Midnight Meat Train) et Kim Jee-woon (le jouissif Le Dernier Rempart).

De quoi rendre donc un chouïa moins inquiétante l'arrivée attendue du Sud Coréen Park Chan-wook (papa des immenses Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance), pour une péloche de commande chez la FOX, Stoker, un conte morbide et initiatique pondu par la plume de Wentworth Miller (oui, le Michael Scofield de Prison Break), qui a bien fait de mettre de côté sa carrière d'acteur après une ultime apparition dans le piteux Resident Evil : Afterlife.


Lourdement dragué depuis plus de dix ans, le Park s'est donc finalement enfin laissé séduire par les sirènes du pays de l'oncle Sam...

Mais rassurons-nous, l'homme a su retenir les leçons des passages foireux et passés de ses petits camarades, et si comme tout le monde celui-ci a dut faire des concessions (il a su habilement s'adapter, en mettant au placard la violence frontale qui a fait sa renommée, pour une violence plus suggestive et feutrée), ce sera surtout pour mieux mettre en valeur son style précis, exigeant et percutant.

Car si il y a bien une chose qui impressionne grandement après la vision du métrage, outre une atmosphère unique, autant froide et sexe que malsaine et envoutante, c'est la virtuosité absolument incroyable qu'il aura eu d'illustrer chaque image de son œuvre comme une peinture aussi complexe que naturelle, faisant de son Stoker une bande génialement sensitive et visuelle, délicate et rigoureuse.

Chaque regard, chaque silence minutieusement scruté n'auront d'égale que la mise en scène pointilleuse et bluffante et trompe l’œil du génie Sud Coréen, magnifiant considérablement la densité dramatique (certes faible sur le papier, mais pas à l'image) de cette métamorphose sexuelle et sanglante de l'innocente India en prédatrice impitoyable, sous l'influence perverse de son oncle Charlie.


Picturale, noir (même dans son humour), oppressante, carrément hors du temps, tendue tout autant qu'elle est fascinante, la bande est une poésie baroque et charnelle unique, un thriller bouillonnant et jouissif infiniment dérangeant, dont il est difficile de ne pas en être conquis, et ce malgré sa cruauté (sans une seule pointe de gore) et son ambiance inquiétante constante.

Et si la qualité finale flirte aussi allégrement avec la perfection, c'est parce que Park Chan-wook maitrise autant la grammaire cinématographique que les choix de collaborations brillants.

Outre les excellents Clint Mansell au score et Chung Chung-hoon à la photographie (qui est absolument sublime, aussi morbide que froide et laiteuse), ce sont surtout les choix éclairés des acteurs qui compose le trio principal, qu'il est important de souligner et féliciter, tant les partitions habitées du mésestimé Matthew Goode (encore une fois excellent, à la fois froid comme la glace et charmeur redoutable), Nicole Kidman (magnifique en veuve esseulée) et Mia Wasikowska (exquise et troublante de naturelle en ange perturbée), étoffent à merveille des personnages typiques du thriller domestique made in USA.


En tout point exceptionnel et hautement jubilatoire, Stoker est une claque aussi imposante et remarquable dans le cinéma de genre que le fut le récent Black Swan de Darren Aronofsky.
C'est dire donc la qualité qui émane de cette œuvre, véritable ovni salvateur dans les programmations de salles actuelles.

Le Park transforme avec aisance son premier défi Hollywoodien, tout en réussissant la prouesse de ne pas avoir vu son intégrité castré par des producteurs misant nettement plus sur les impératifs commerciaux que la cinéphilie.
Bravo au bonhomme donc, qui ne s'est pas encore fait broyé par les griffes acérées de la machine briseuse de talents, il y en a peu qui ont su s'en tirer avec autant de brio.

Maintenant on va faire comme d'habitude avec lui, on va attendre vivement la suite, en espérant qu'elle soit toute aussi puissante et proche de la perfection.


Jonathan Chevrier

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